Surprise, une Nova s'allume dans le Dauphin

Cette nova a été découverte la nuit du 14 au 15 août 2013 au Japon, par Koichi Itagaki avec un télescope de 18cm. Sa magnitude était alors de 6,3. Sur les clichers antérieurs sa magnitude était très faible, 16.9 à peine.
D'après la carte fournie par l'AAVSO(1) j'estime à 20:00 TU sa magnitude à 4,7 +/- 0,15 et sa couleur bleutée.
Ce qui fait 150 000 fois plus brillante, est-ce le maximum d'éclat ?. C'est une affaire que je compte bien suivre avec assiduité et que je partage bien volontier avec vous ici !
(1) AAVSO = American Association of Variable Star Observers

Petite explication :
Une nova est une étoile qui devient très brutalement extrêmement brillante. Cette vive luminosité ne dure que quelques jours, et l'étoile reprend ensuite progressivement son éclat initial. La subite augmentation de la brillance est en fait due à un système stellaire binaire de forte excentricité, qui est très rapproché pendant seulement quelques heures. L'une des deux étoiles est une naine blanche très dense, une sorte de cadavre d’étoile, et l'autre est une étoile en formation, en voie de devenir une géante rouge. En approchant de la naine blanche la géante rouge, l'étoile amorce son processus de transfert. La géante perd de sa masse, au profit de la naine blanche. Ceci forme un disque d'accrétion autour de la naine blanche avant de s’écrouler sur celle-ci, les gaz sont alors écrasés à la surface de la naine blanche par son énorme gravité, comprimés et chauffés à des températures de l'ordre de la dizaine de millions de degrés.

À un certain moment, les pression et température de la couche de gaz deviennent assez grandes pour déclencher une explosion thermonucléaire qui convertit rapidement une grande quantité d'hydrogène en hélium et engendre d'autres éléments plus lourds. La masse de réactifs nucléaires est de l'ordre de celle d'une planète, ce qui dégage très vite une énergie qui expulse les gaz de la couche de surface de la naine blanche dans l'espace et produit un éclat extrêmement lumineux mais de courte durée. Au moment de l'explosion, le spectre se rapproche de celui des supergéantes, mais avec un déplacement de toutes les raies vers le violet, proportionnellement à leurs longueurs d'onde. L'interprétation de ce décalage est que le rayonnement lumineux est émis par un gaz en expansion qui s'échappe de la surface de l'étoile, avec des vitesses de l'ordre de 1000 km/s. Cette expansion, qui provoque un refroidissement, explique l'extinction rapide de la nova.

Ce croquis fait aux jumelles pour aider à la localisation et à la lunette 102/1000 oculaire 10mm pour le zoom. La lune un peu trop présente m'empêche de voir la nova facilement à l'oeil nu, on doit se concentrer.
Vers 3hoo du matin, tout excité par cette événement spectaculaire je me lève, la Lune est moins présente on repère la nova facilement à l'oeil nu.
C'est un événement rare, elle est dans les 30 novae les plus brillantes depuis l'invention du télescope... D'après les données spectrales on estime sa distance entre 1000 et 1200 années lumières.
C'est donc déjà une vieille histoire. Ca c'est passé là bas, lorsque sur Terre les Vikings envahissaient l'Angleterre !

Le 17 août à Flassans, lors de la veillée des étoiles organisée par Altaïr83, l'observation de cette nova a attiré beaucoup de curieux. Il faut dire que nous avions déployé 17 lunettes, télescopes et autres binoculaires.

J'ai estimé son éclat un peu plus faible, d'une magnitude à 4,9 +/- 0,2, et une couleur qui tend légèrement vers le bleu-verdâtre. L'estimation de couleur est rendue délicate avec la présence d'une Lune par trop gibbeuse. Le 21 à 4h10 l'éclat de la nova est tombée à 5,5. le 21 en soirée nous étions 26 à l'observer à Sainte-Anastasie, elle était alors de 5,7.

Le 27 à 4h45 du matin sa magnitude avoisinait les 6,15. Le premier septembre je la devine rougeâtre dans la petite lunette d'Yvan 80/400 mag 6,95. Cette petite lunette est bien pratique pour ce type d'estimation, avec mon oculaire de 40mm j'atteint un faible grossissement (10x) la constellation repère du Dauphin entre presque entièrement dans le champ.

Le 6 septembre à 4h42 du matin j'estime la magnitude à 7,35.
Depuis le 16 août, grâce au climat provençal, je n'ai pas raté une seule nuit !
Ma dernière observation date de la soirée du 23 septembre, magnitude estimée 8,10 avec une couleur toujours bien rouge.

A l'observatoire de Brax, Michel Sarrau, Michel Lefèvre et Antoine Altura l'ont photographiée.

Voici leurs deux clichers le 19 août et le lendemain le 20 août. Pour haute résolution, cliquez.

haute résolution haute résolution

Les prise de vues avec une Caméra Atik(16hr) derrière un réfracteur Televue 101 NPIs - 570mm. Pose 10 x 3 min.

Ici vous trouverez la courbe de magnitude officielle :

cliquez pour zoomer

Cette courbe (au 24/9/2013), 42 jours après le cataclysme, provient de 26282 observations réalisées par 454 observateurs inscrits auprès de l'AAVSO et répartis tout autour de notre petit astre. Mes observations (DMIB) sont indiquées en bleu.

La base de données de l'AAVSO a été décriptée par mon ami, Pierre Reiss, observateur de variables qui se trouve près de Bordeaux. Il a utilisé 4 des courbes des observateurs les plus réguliers, deux en europe et deux en amérique, l'erreur est de 1 à maximum 2 dixième de magnitude.
Pas mal pour des observateurs visuels! On distingue sans trop d'effort un premier plateau vers le 5 septembre, la brillance de la nova ne diminuant alors que très peu.

Voici le résultat du graphique réalisé par Pierre Reiss :

Une autre fonction mathématique plus complexe comprend une sorte de sinusoïde secondaire, un peu comme de courtes vagues, elle est à l'étude, une autre affaire à suivre. Décidément cette nova nous réserve encore pas mal de surprises.

Petit dessin animé montrant l'évolution de la Nova du Dauphin - août 2013


Début janvier 2014, nous avons reçu des vœux et des remerciements de l’AAVSO

Une carte (voir ci-dessous), avec une lettre de remerciements de l’AAVSO et des professionnels pour le travail accompli lors de l’observation de la Nova du Dauphin !
C’est un travail de groupe ! Et je souhaite rendre à César ce qui est bien à lui :
Antoine et Yvan pour le prêt de leurs matériels et leur aide inconditionnelle, Michel Sarrau à l’observatoire de Brax pour ses observations photos dans le sud-ouest avec l’aide sur place d’Antoine et de Michel Lefèvre, le club Altaïr pour son terrain et ses gâteaux légendaires et bien sûr Jean-Luc de la Blaque pour nous avoir aussi offert son terrain et ses observatoires. Les organisateurs de la fête de l’Astro à Varages, je pense surtout à Jean-Pierre qui a accepté de chambouler le programme pour ajouter un exposé que j'avais préparé à au sujet de cette Nova, tout juste au bon moment pour le public. Il y a aussi Pierre Reiss près de Bordeau qui observe les étoiles variables, les analyse et est depuis cette aventure, membre de l’AAVSO, il a travaillé sur des modélisations bien intéressantes de la courbe de lumière. Vous tous qui nous entouriez lors de nos mesures. Et enfin AstroProvence sans lequel il n’y aurait pas de lien entre ces passionnés…

C’est ce type même de résultat qui fait que notre passion pourtant humble et bénévole sert la science, la vraie. Même si la petite pierre que nous avons ajoutée à cette formidable construction scientifique est bien minuscule elle participe néanmoins à l’édifice tout entier. C’est la raison évoquée dans la lettre de remerciements.

Les remerciements d'AAVSO 2014

Vous qui passez par ici par hasard, sachez que rien ne vous empêche de faire des observations d’étoiles variables, c’est simple, captivant et … utile.

Il y a d’autres domaines de l’astronomie d’observation qui intéressent toujours les professionnels comme par exemple :
- la découverte et l’observation des comètes
- la découverte et l’observation des novae et supernovae
- les étoiles doubles
- les appulses (occultation rasante d’une étoile par la lune)
- les occultations d’étoiles par les astéroïdes
- la détermination du nombre de Wolf par l’observation des taches solaires
- la détermination du THZ par l’observation des étoiles filantes

Bien entendu il y a des techniques comme l’astrophotographie et la spectroscopie avec de nombreux domaines, qui apportent de plus en plus de très jolies pierres à cet édifice !

Bref, si lors d’une nuit étoilée vous étiez en manque d’inspiration, il est bien difficile de ne pas trouver un second souffle, une passion dans votre passion !

A bientôt ?


On retrouve mes données sur   Astronomy Sketch Of the Day   Et dans Astronomie Magazine d'octobre 2013 :  Astronomie Magazine 160

- FERMER -